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Congrès de Vienne : Participants, Principes et Décisions

Délégués des puissances européennes en discussion politique au Congrès de Vienne, dans une gravure de Jean-Baptiste Isabey.
Délégués des puissances européennes en discussion politique au Congrès de Vienne, dans une gravure de Jean-Baptiste Isabey. Image de domaine public.

Le Congrès de Vienne (1814-1815) a été une série de réunions diplomatiques qui se sont tenues à la fin de l’Ère Napoléonienne. À cette époque, les pays européens se retrouvaient ravagés par de nombreuses années de guerre et de domination par des proches et amis de Napoléon. Ces États ont réussi à réaffirmer leur indépendance et devaient organiser le continent de manière à garantir une paix durable en son sein. Dans cet esprit, ils se sont réunis dans la capitale de l’Autriche, inspirés par certains principes et avec l’autorité de remodeler l’Europe. Leurs délibérations ont conduit à de nombreux changements dans la carte du continent et ont posé les bases d’une période de politique de grande puissance connue sous le nom de Concert européen. Pour cela, le Congrès de Vienne a été un événement clé dans l’histoire du XIXe siècle.

Participants au Congrès et Leurs Intérêts Nationaux

De gauche à droite, les représentants des principales puissances européennes au Congrès de Vienne : Metternich (Autriche), Castlereagh (Angleterre), Alexandre I (Russie), Hardenberg (Prusse) et Talleyrand (France).
De gauche à droite, les représentants des principales puissances européennes au Congrès de Vienne : Metternich (Autriche), Castlereagh (Royaume-Uni), Alexandre I (Russie), Hardenberg (Prusse) et Talleyrand (France). Images de domaine public.

Le Congrès de Vienne a été fréquenté par de nombreux diplomates, ministres des affaires étrangères et chefs d’État des pays européens. Pourtant, il y avait cinq pays qui monopolisaient les discussions et qui ont orchestré le règlement final. Ceux-ci étaient les protagonistes de la réunion et les intérêts nationaux qu’ils représentaient :

  • Le ministre des Affaires étrangères, le prince von Metternich (Autriche) : Selon Henry Kissinger, il était le principal architecte de l’ordre de Vienne. Son « talent consommé était d’amener les pays clés à soumettre leurs désaccords à un sentiment de valeurs partagées ». En faisant cela, il cherchait à maintenir l’hégémonie politique de l’Autriche et un équilibre des pouvoirs en Europe centrale.
  • Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, le vicomte Castlereagh (Royaume-Uni) : Il visait à empêcher la France de retrouver son statut de superpuissance et à contenir les aspirations de la Russie. La Grande-Bretagne souhaitait que les pays continentaux restent en paix et en équilibre les uns avec les autres, de préférence en respectant les souhaits des petits États. Pendant ce temps, elle voulait assurer l’hégémonie britannique sur les colonies d’outre-mer, les industries et les routes commerciales maritimes.
  • Le tsar Alexandre I (Russie) : C’était un monarque conservateur qui défendait l’absolutisme et voulait combattre toute menace de révolution ou de républicanisme. Pendant les guerres napoléoniennes, il avait brièvement envisagé de remodeler l’Europe en termes libéraux et constitutionnels, mais il avait rapidement repris ses tendances autoritaires. À Vienne, il souhaitait prendre le contrôle de la Pologne, étendre le territoire russe et établir la Russie en tant que puissance terrestre majeure.
  • Le chancelier et prince Karl August von Hardenberg (Prusse) : Connaissant la rivalité historique entre Autrichiens et Prussiens, il voulait sécuriser la position de cette dernière dans les terres de l’ancien Saint-Empire romain germanique. En particulier, il souhaitait annexer toute la Saxe et des parties de la Ruhr.
  • Le ministre des Affaires étrangères Talleyrand (France) : Il avait été le bras droit de Napoléon dans les affaires internationales, mais il est resté en fonction après l’ascension au pouvoir du roi Louis XVIII. Son objectif était d’empêcher la France d’être reléguée au rang de puissance de second ordre et d’être démembrée par les puissances occupantes. Cependant, le roi se méfiait de lui et menait également des négociations avec les autres États, séparément.

Principes du Congrès

Lors du Congrès de Vienne, certains principes ont guidé les délibérations des pays européens et ont été acceptés par eux comme cadre pour la reconstruction du continent après les guerres. Voici les principes principaux de Vienne :

  • Légitimité : La Révolution française et les guerres napoléoniennes avaient détrôné plusieurs dynasties absolutistes et les avaient remplacées par d’autres monarques. Suite à la défaite des révolutionnaires, Talleyrand voulait s’assurer que Louis XVIII conserve le trône de France, il a donc proposé le principe de légitimité. Selon celui-ci, toutes les dynasties qui régnaient en Europe avant la Révolution étaient légitimes et devaient être restaurées au pouvoir.
  • Compensations : Pendant la période révolutionnaire, la France avait pris le contrôle de nombreux territoires. Puisque cela était injuste, les terres occupées devaient être redistribuées parmi les puissances de l’Europe, les compensant pour les pertes de guerre.
  • Équilibre : La carte de l’Europe ne reviendrait pas à ce qu’elle était avant la Révolution. Au contraire, une nouvelle carte émergerait, car les territoires redistribués seraient assignés avec l’objectif d’égaliser les différences de pouvoir parmi les principaux pays. Si chaque puissance européenne était satisfaite de cet arrangement, il n’y aurait aucune raison pour qu’un autre conflit éclate.
  • Interventions : Puisque les régimes absolutistes d’avant-révolutionnaire en Europe étaient légitimes, toute tentative de les renverser devait être contrée. L’Autriche, la Prusse et la Russie ont formé la Sainte-Alliance, pour intervenir dans d’autres pays afin de réprimer de nouvelles révolutions, tandis que le Royaume-Uni préférait rester en dehors. Dans tous les cas, certains auteurs affirment que cette alliance n’était rien de plus qu’un espoir pieux et que ses interventions étaient intéressées plutôt qu’altruistes.

Principales Décisions du Congrès

À Vienne, les cinq principales puissances de l’Europe se sont accordées sur une série de mesures destinées à forger un nouvel ordre international sur le continent.

Grâce au travail de Talleyrand, la France a été épargnée de l’humiliation d’une défaite totale. Par exemple, le territoire du pays serait un peu plus grand qu’il ne l’était avant la Révolution. De plus, les Français devraient payer une somme adéquate de réparations de guerre, et tant qu’ils n’auraient pas terminé les paiements, le pays serait temporairement occupé par les troupes des vainqueurs.

La plupart des décisions à Vienne tournaient autour du réarrangement des territoires, favorisant les pays qui s’étaient opposés à la France pendant les guerres napoléoniennes, au détriment de la France et de ses alliés. Voici les principaux changements territoriaux :

  • Pendant la dernière phase de la Révolution française, la Suisse avait été envahie par les révolutionnaires et s’était transformée en République helvétique — un État vassal. Napoléon avait finalement dû rétablir la Confédération suisse, mais le pays restait dépendant de la France. À Vienne, la Suisse serait restaurée en tant que pays pleinement indépendant et neutre, et les puissances européennes garantiraient sa neutralité.
  • Napoléon avait créé le Duché de Varsovie dans la région de l’Pologne actuelle. Cette entité a été abolie et son territoire a été partagé entre l’Autriche, la Prusse et la Russie.
  • Napoléon avait créé la Confédération du Rhin dans la région de l’Allemagne actuelle. Cette entité a été remplacée par la Confédération germanique — une association de 39 pays allemands, politiquement dirigée par l’Autriche et économiquement par la Prusse. L’objectif était d’empêcher la France de devenir une puissance hégémonique en Europe centrale.
  • La Prusse acquerrait le Rhin et la Saxe, deux régions au grand potentiel économique.
  • La Russie acquerrait la Bessarabie (actuelle Moldavie et Ukraine) et le Grand-Duché de Finlande, car elle s’était battue pour cela contre la Suède.
  • Pour compenser la Suède de la perte de la Finlande, les Suédois acquerraient la Norvège — une région qui appartenait au Danemark, un allié français. Les Norvégiens rejetaient cet arrangement, entrèrent en guerre, mais furent finalement vaincus et forcés d’accepter la domination du roi de Suède. Selon l’historien Eric Hobsbawm, cet arrangement favorisait le Royaume-Uni, car deux États partageraient le contrôle de la mer Baltique. Toutefois, l’impopularité de l’arrangement persistait et il ne durerait pas longtemps.
  • Le Royaume-Uni prenait possession de certaines colonies des Pays-Bas, car ces derniers avaient été des alliés des Français — en particulier, la colonie du Cap (Afrique du Sud), Ceylan (Sri Lanka) et une partie de la Guyane.
  • Pour compenser les Néerlandais de la perte de ces colonies, ils acquerraient la Belgique, alors les Pays-Bas autrichiens, car l’Autriche avait été un allié français. Cet échange de territoire conduirait à la création du Royaume-Uni des Pays-Bas, comprenant les pays actuels de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg (les pays du Benelux).
  • Pour compenser les Autrichiens de la perte de la Belgique, ils acquerraient certains territoires dans la péninsule italienne. Le Pape regagnerait également le contrôle de territoires dans la même région.

En plus de ces ajustements territoriaux, les puissances de Vienne ont également convenu d’autres mesures qui ont changé l’ordre mondial de l’époque :

  • La Société de Jésus serait restaurée, tant en Europe que dans les territoires coloniaux. C’était un ordre religieux au sein de l’Église catholique qui avait été supprimé durant les décennies précédentes.
  • La traite des esclaves était condamnée. Néanmoins, son abolition réelle n’arriverait que plusieurs années plus tard, suite à une résistance acharnée de pays dépendant de l’esclavage, comme le Brésil.

Conclusion : Ordre Européen après Vienne

Le Congrès de Vienne a commencé lorsque Napoléon semblait vaincu et envoyé en exil sur l’île d’Elbe. Alors que les puissances se réunissaient, il a réussi à s’échapper, retourner en France et défier brièvement ses adversaires, avant d’être définitivement vaincu et envoyé sur l’île de Sainte-Hélène. Avec Napoléon hors jeu, les monarques, ministres des affaires étrangères et diplomates de l’Europe ont procédé à concevoir un nouvel ordre mondial — un dans lequel la politique de grande puissance prévalait. Le règlement de Vienne a inauguré le Concert européen, une période de paix et de compréhension mutuelle, basée sur des relations amicales entre les cinq pays les plus puissants du continent : l’Autriche, la Prusse, la Russie, la France et le Royaume-Uni. Il faudrait plusieurs révolutions et guerres pour surmonter cet arrangement.


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